Jan Kowalewski est né le 23 octobre 1892 à Łódź, une ville alors située sous domination russe. Il termine ses études secondaires à l’École commerciale de la Société de commerce de Łódź en 1910, puis se rend en Belgique pour étudier la chimie technique à la Faculté de l’Université de Liège, dont il sort diplômé en 1913.
Peu après, il s’installe en Ukraine comme ingénieur chimiste, juste avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Ces premières étapes témoignent d’un parcours intellectuel hors norme, combinant science, technique et ouverture internationale.
Entre‑guerres : guerres, codes et radio‑renseignement
La grande guerre et la vie d’espion de Jan Kowalewski
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Kowalewski est mobilisé dans l’armée russe et voit le front roumain. Après la révolution de février 1917, il rejoint la Union of Polish Military Organisations, puis le 4th Polish Rifle Division sous le général Lucjan Żeligowski au sud de la Russie : débuts de sa trajectoire dans l’intelligence militaire.
Son évasion d’une captivité allemande et son retour à l’organisation polonaise illustrent déjà sa capacité à agir dans des conditions extrêmes.
Le coup d’éclat cryptologique
Au printemps 1919, il intègre la « Section des Chiffres » de la Division II du Cipher Bureau (Poland), service du général‑quartier‑général polonais. Son avantage : sa connaissance des structures de communication russes, et sa maîtrise de l’allemand, du russe et du français.
Son moment‑clé survient lorsqu’il identifie dans un mot russe (« divisiya ») une répétition du caractère « i », exploitée pour casser le système de chiffrement soviétique. Cette percée permet de prédire les mouvements du front russe entre août 1919 et février 1920 : près de 400 dépêches décryptées, 21 d’entre elles par lui seul.
En août 1920, alors que l’armée rouge avance vers la Vistule, les services radio‑intelligence polonais disposent déjà d’une image claire grâce au travail de Kowalewski, ce qui permet à la Pologne de lancer la contre‑offensive depuis le Wieprz.
Pour ces exploits, il reçoit la croix de la Virtuti Militari (classe V).
De l’intelligence militaire à la guerre globale
Carrière diplomatique et réseaux d’espionnage
Après la guerre polono‑soviétique, Kowalewski poursuit un itinéraire hors des combats directs : commandement en Lituanie centrale, participation à l’Third Silesian Uprising comme chef du renseignement. En 1923, il se rend à Tokyo pour instruire des officiers japonais à l’intelligence radio.
De 1925 à 1927, il étudie à l’École Supérieure de Guerre à Paris, puis est attaché militaire à Moscou (1929‑33), et à Bucarest jusqu’en 1937. Il devient alors directeur de la société d’importation stratégique « TISSA », en vue de l’industrie de défense polonaise.
Seconde Guerre mondiale et exil
À l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, Kowalewski coordonne l’évacuation du gouvernement polonais vers la Roumanie et dirige un comité d’aide aux réfugiés. Il s’établit ensuite en France, puis à Lisbonne (1941) à la tête de l’« Akcja Kontynentalna », réseau d’espionnage polonais en Europe occupée, et soutient l’opposition allemande anti‑Hitler.
En 1944, au Royaume‑Uni, il devient chef du Bureau opérationnel polonais au Quartier général des forces spéciales. Après la guerre, il reste en exil, collabore à Radio Free Europe et mène des travaux de cryptologie jusqu’à cracker des codes datant du soulèvement de 1863. Il meurt à Londres le 31 octobre 1965.
Héritage et reconnaissance tardive
Bien que ses actions aient profondément modifié le cours des conflits et de l’intelligence militaire, le nom de Jan Kowalewski reste peu connu en dehors des cercles spécialisés. En effectuant un pont entre technique, linguistique et stratégies militaires, il incarne un moment clé de l’histoire des services de renseignement modernes.
En 2019, le Sénat polonais a proclamé l’année 2020 « Année de Jan Kowalewski ». Le 22 septembre 2020, le Président Andrzej Duda l’a promu à titre posthume au grade de général‑brigadier.
Jan Kowalewski, un héro discret aujourd’hui reconnu
Jan Kowalewski a prouvé que la guerre ne se gagne pas seulement sur le champ de bataille : l’information, le code et le langage sont des armes tout aussi redoutables. Grâce à lui, la jeune Pologne a survécu à ses assauts les plus dramatiques, puis a projeté son influence sur le théâtre mondial du renseignement. Son nom mérite d’être mis en lumière.
Chef Franco-Polonais et Fondateur de Sauce Polonaise. Passionné par la richesse de la cuisine et de la culture polonaises, Pierre explore et partage les saveurs authentiques et les histoires captivantes de la Pologne. Résidant en Pologne depuis 7 ans, chaque recette, chaque article, est une invitation à découvrir ce pays vibrant à travers ses plats, ses traditions et son peuple.


