Mangeriez-vous de la queue de castor ? Ou bien un steak enrobé dans de la peau de lait ? Voici 10 plats polonais bizarres qui vont sérieusement vous étonner.
Récemment, une discussion houleuse a eu lieu sur Internet à propos des limites que peuvent atteindre les chefs dans leurs explorations culinaires. Le chef excentrique Aleksander Baron est devenu l’un des principaux acteurs de ce débat, en servant des plats multi-sensoriels qui, comme il l’a constaté, étaient trop étranges ou carrément immangeables pour certains convives. Un exemple ? Des larves d’abeilles drones servies sur un nid d’abeilles, ou des moules d’étang chinoises sur du sable avec du calamus. Si vous vous penchez plus attentivement sur la gastronomie polonaise au fil des siècles, vous découvrirez de nombreux plats et produits qui peuvent paraître surprenants, voire même ecoeurants.
Voici les 10 plats polonais les plus bizarres que vous pourriez goûter :
- Peau de lait
- Calamus au sucre
- Lait caillé séché
- Concombres au miel
- Champignons “rydze” au vinaigre
- Lamproies
- Queues de castor
- Faux-filet de bison européen
- Żentyca
- Smalec
Peau de lait
Tous les polonais ont déjà certainement eu affaire, au cours de leur enfance, à de la peau de lait, la membrane qui apparaît sur du lait très chaud. 99% des polonais et des polonaises diront que c’est la chose la plus dégoûtante qu’ils aient mangées. Mais les quelques amoureux de la peau de lait se souviennent de la douceur de cette abomination sur une tranche de pain saupoudrée de sucre. Quand on mentionne la peau de lait, la plupart des gens vont frissonner. Toutefois, certains chefs essaient de convaincre les gens de l’essayer dans des combinaisons variées. Wojciech Modest Amaro et Aleksander Baron sont deux chefs qui ont essayé de nous faire aimer ce plat polonais bizarre. Le premier servait la peau de lait avec du hareng à la crème et un chutney d’oignons tandis que le second a essayé de gagner le cœur du public avec deux plats : des peaux de lait accompagnées de morue au safran, de bacon et de raisins secs ; et du faux-filet assaisonné enveloppé dans des peaux de lait avec une émulsion à base de jeunes pousses d’orge, d’huile de colza pressée à froid et de grains d’orge fermentés.
Calamus au sucre
Quelqu’un a-t-il déjà pensé à gober les roseaux qui poussent au bord des lacs ? Et bien les Polonais, oui. Il s’agit du calamus, que l’on trouve un peu partout. Il y a plusieurs centaines d’années, il existait un dessert baroque à la mode appelé “Herbes tatares au sucre”. On confectionnait ce dessert à partir de deux ingrédients, le calamus et du sucre, et prenait beaucoup de temps à préparer. Cette recette était incluse dans un recueil de conseils médicaux, culinaires et agricoles appelé Compendium Medicum Auctum. Le livre disait que le calamus doit être bouilli plusieurs fois (afin d’enlever l’amertume), puis frit à feu doux “jusqu’à ce qu’il soit sec, en mélangeant lentement à l’aide d’une spatule”. Il affirme que le calamus confit doit avoir un goût similaire à celui du gingembre, mais moins épicé. Mais quel goût avait réellement ce plat ? Selon Professeur Jarosław Dumanowski, chercheur en gastronomie Polonaise ancienne, l’herbe tartare au sucre est “une juxtaposition de différentes expériences gustatives. Un arrière-goût amer et un parfum aromatique, le tout se mêlant à la douceur”. Il ajoute que ce pilier de la construction esthétique de la confiserie sarmate polonaise “a disparu de l’histoire avec fracas”, et que l’on trouve même des références à ce sujet dans la littérature, comme Żona Modna d’Ignacy Krasicki, un écrivain polonais du Siècle des Lumières. Même si l’herbe tartare au sucre appartient déjà à l’Histoire, de temps à autre, quelqu’un en prépare à titre expérimental. On peut trouver des recettes sur Internet.
Lait caillé séché
Les gourmets étrangers n’associent pas la gastronomie Polonaise aux fromages de prestige. Ils considèrent plutôt la Pologne comme une terre vide en ce qui concerne la confection de fromage. Grâce à la mode naissante des fromages de ferme, la “carte des fromages polonais” n’est plus la même qu’avant la transformation. Non seulement de nouveaux fromages originaux sont créés, mais aussi de vieilles recettes, populaires il y a des années et oubliées pendant la période communiste. Il s’agit notamment de spécialités telles que le lait caillé séché. D’une certaine manière, son histoire reflète celle des manoirs polonais. Après 1945, lorsqu’ils ont disparu, tout le monde a oublié le lait caillé séché. Grâce à des producteurs comme Ancypo, de Sokółka, à l’est de la Podlachie, ce n’est plus du domaine de l’imagination, mais bien de la dégustation.
“Les premières bouchées sont discrètes, les suivantes sont absorbantes. On ne sait jamais quand le fromage disparaît. Il est dur, il faut le couper en deux. L’accent acide vient troubler le salé et le sucré et fait travailler nos glandes salivaires morceau par morceau, en en redemandant toujours plus”.
Gieno Mientkiewicz, expert en fromages fermiers
Autrefois, on confectionnait le lait caillé séché dans une fromagerie. Des tuiles recouvraient cette construction en bois, en forme de nid de cigogne, qui reposait sur des piliers. Elle était construite à côté de chaque manoir pour que les propriétaires puissent y faire sécher le lait caillé. Il faisait à tel point partie du patrimoine polonais que Adam Mickiewicz avait inclu sa description dans Pan Tadeusz, un poème épique polonais.
“…se dressait une grande fromagerie ancienne, construite en treillis de poutres clouées les unes aux autres, comme une cage.
Des dizaines de fromages blancs y brillaient ; autour d’eux séchaient des bouquets de sauge, de fenouil, de cardon et de thym sauvage”.
Pan Tadeusz d’Adam Mickiewicz
Concombres au miel
Dans la cuisine polonaise traditionnelle, les concombres frais étaient censés être consommés comme un dessert. C’était une spécialité de Kresy (région frontalière de l’est) pendant la Seconde République polonaise. On les servais froids et garnis d’un délicieux miel. Les gens aimaient ces concombres “Troki” et disaient qu’ils étaient faits pour être dégustés avec du miel de tilleul. Les habitants des régions frontalières qui se sont installés à Varsovie après la Première Guerre mondiale ne supportaient pas l’attitude dédaigneuse des Varsoviens à l’égard de ce mets délicat. Ils se moquent des habitants de la frontière Est en disant qu’ils sont les derniers à manger et qu’ils se contentent de concombres au miel.
Champignons “rydze” au vinaigre
Cette méthode de conservation des aliments fait appel à la fermentation, ce qui les protège de la détérioration, mais peut susciter le dégoût dans les pays qui ne consomment pas du tout de “pickles”. Si le chou ou le concombre au vinaigre ne choque pas la plupart des touristes qui visitent la Pologne, les champignons rydze au vinaigre, eux, ne manquent pas de les surprendre. Cette spécialité, évoquée par tout auteur de livre de cuisine du XIXe siècle qui se respecte, ne se prépare aujourd’hui que localement, à savoir dans le sud (Podhale, Beskid Niski et Bieszczady). La soupe polonaise acidulée, connue sous le nom de Żur, accompagnée de rydze au vinaigre est également une spécialité locale. Une soupe à base de farine et de champignons fermentés peut-elle vraiment être savoureuse ? Stary Dom Zdrojowy à Wysowa Zdrój, dans les Basses-Beskides, est le meilleur endroit pour le découvrir.
Lamproies
Les lamproies sont des vertébrés parasites dépourvus de mâchoires, semblables aux sangsues. De nos jours, personne ne se souvient qu’elles étaient comestibles. Autrefois très appréciées dans la cuisine polonaise pour leur chair délicate, les lamproies étaient même très prisées au sein de la cour royale. Le plus ancien livre de cuisine écrit en polonais, Compendium Ferculorum, contient des recettes de lamproies avec du pain d’épices ainsi que du jus de cerise, du poivre, des clous de girofle, de la cannelle et du sucre. Au XIXe siècle, les lamproies frites dans du beurre constituaient un en-cas accompagnant les boissons alcoolisées. On les servait aussi bien fraîches que marinées, alors qu’elles étaient réputées nocives pour l’estomac. Elles ont disparu de la cuisine polonaise en raison de la contamination de l’eau. Aujourd’hui, elles sont sous protection et on ne peut les manger qu’occasionnellement, généralement frites et marinées.
Queues de Castors
La queue de castor est-elle comestible ? D’après les cuisiniers du XVIIe siècle, elle l’est incontestablement. D’ailleurs, il y a 300 ans, elle était servie lors des fêtes religieuses où la viande n’était pas autorisée (des écailles recouvrent leur queue, semblables à celles d’un poisson, de sorte que le castor était considéré comme un animal à sang froid). Une recette de queue de castor, bouillie dans du sel et du vinaigre avec de l’ail, de l’huile d’olive ou du beurre, figure dans le Compendium Ferculorum précédemment cité. De nos jours, les castors sont en partie protégés, mais il existe des adeptes de la viande de castor. Aiment-ils aussi les queues ? Cela reste difficile à dire.
Faux-filet de bison européen
La Pologne est l’un des rares pays européens à abriter des bisons d’Europe. Près de la moitié de cette population sauvage pâture dans la forêt de Białowieża, située à l’est du pays. L’espèce fait l’objet d’une protection rigoureuse depuis plusieurs siècles. Cependant, on peut parfois trouver du bison non seulement dans une forêt, mais également dans l’assiette d’un restaurant. Certains restaurants de Varsovie (par exemple le Kafe Zielony Niedźwiedź) servent du faux filet de bison, des rôtis ou du carpaccio et même le cœur du bison. Comment cela est-il possible ? Grâce à la chasse autorisée par le ministère de l’environnement. Seuls les bisons âgés, blessés ou agressifs peuvent être chassés. De plus, les bisons ont un taux de croissance naturel favorable et il n’y a pas assez d’espace pour tous dans la forêt. Même ceux qui n’y ont goûté qu’une seule fois affirment que la viande est délicate et délicieuse.
Żentyca
Les personnes à l’estomac solide peuvent goûter à la żentyca en visitant les cabanes de bergers à Podhale, dans le sud du pays. Il s’agit d’une boisson à base de lactosérum de lait de brebis et de présure, réalisée en même temps que le fromage traditionnel des Highlands. On dit que la żentyca a meilleur goût dans les montagnes, où elle est refroidie et fraîche ou mûre. Elle est si polonaise que le ministère de l’agriculture et du developpement durable l’a ajoutée à sa liste de spécialités traditionnelles. Son parfum fort et aromatique ne convient pas forcément à tout le monde. Au XIXe siècle, il était même utilisé comme médicament pour les problèmes respiratoires. Mais attention, ne buvez pas trop de żentyca d’un coup : elle peut provoquer des troubles gastriques.
Smalec
Enfin quelque chose que l’on trouve facilement dans tous les magasins, dans toutes les fêtes culinaires et dans toutes les tavernes qui servent des plats traditionnels. Il s’agit du smalec, c’est-à-dire du saindoux issu de la fonte de la graisse de porc, que l’on mange avec du sel, des grattons et parfois de la saucisse ou avec de la pommes. Cette pâte à tartiner épaisse est très mauvaise pour la santé, alors mangez-la avec une tranche de pain rustique pour vous sentir moins gras. Lorsque les étrangers apprennent qu’elle contient 99 % de matières grasses, ils sont souvent un peu déstabilisés.
Pour en apprendre plus sur la cuisine polonaise et partager avec d’autres passionnés, je vous invite à rejoindre notre le groupe Facebook “Cuisine de Pologne”.
Traduction libre de Culture.pl
Photos : Mabel Amber / czesia sur Pixabay / Engin Akyurt / Culture.pl
Chef Franco-Polonais et Fondateur de Sauce Polonaise. Passionné par la richesse de la cuisine et de la culture polonaises, Pierre explore et partage les saveurs authentiques et les histoires captivantes de la Pologne. Résidant en Pologne depuis 7 ans, chaque recette, chaque article, est une invitation à découvrir ce pays vibrant à travers ses plats, ses traditions et son peuple.