L’Histoire de la Pologne en 10 minutes

Vous vous dites probablement qu’apprendre l’histoire de la Pologne en 10 minutes est tout simplement impossible. Et que c’est même une idée absurde. Laissez-nous vous prouver le contraire le temps d’un article !

1. Le Baptême, ou les débuts de l’Etat polonais

Nous sommes en l’an 966. Le Duc Mieszko I (Mye-shcko), qui a régné sur les tribus slaves occidentales, décide de consolider son pouvoir en se faisant baptiser selon le rite latin et en épousant Doubrayka, une princesse de Bohême. Cet événement est symboliquement considéré comme la création de l’État polonais. Cela signifie que la Pologne devient un pays chrétien, lié de manière permanente à la culture occidentale, et sous la protection du pape.

Le fils de Mieszko complète cette formation du pays en conquérant une partie considérable du territoire. Il diffuse également le christianisme parmi ceux qui n’avaient pas été convaincus par le baptême de Mieszko. Il est récompensé pour ses efforts avec l’acquisition du trône. C’est ainsi qu’il devient le premier roi légitime dans l’histoire de la Pologne. Cependant, il ne règne que quelques années avant de mourir. La Pologne devient malgré tout un royaume en 1025.

La Christianisation de la Pologne, moment décisif pour l’histoire du pays. Reproduction: Andrzej Sidor / Forum

2. L’union avec la Lituanie et l’Age d’Or

La lignée royale de Mieszko a régné sur la Pologne jusqu’à la fin du 14e siècle avant de s’éteindre. La Pologne est alors forcée de chercher son nouveau roi ailleurs. Après une brève romance politique avec la Hongrie, la reine polonaise Jadwiga (Yah-dvee-gah) épouse le Grand Duc de Lituanie. Elle permet ainsi la naissance d’une union qui durera longtemps entre les deux pays. L’alliance évolue finalement pour mener à la création d’un seul et même pays : l’Union Polono-Lituanienne.

Les quelques 150 années entre le début du 16e siècle et les premières décennies du 17e siècle se sont inscrites dans l’histoire de l’Age d’Or polonais. Le système politique polonais se transforme en une monarchie démocratique précoce, et devient l’un des premiers états multiculturels de l’histoire. Ainsi, les droits des minorités deviennent protégés par les lois de l’Union. À ce moment-là, la République des Deux Nations compte parmi les entités politiques les plus grandes en Europe. Et également l’une des plus influentes, que cela soit sur le plan culturel ou politique.

Tableau de Jan Matejko représentant la signature de l’Union de Lublin, traité qui fonde la République des Deux Nations; Musée National de Lublin. Source: CC BY-SA 3.0 / Wikimedia 

3. Le Déluge

Dans le milieu du 17e siècle, cet immense organisme politique commence à faiblir. Plusieurs évènements viennent troubler cette période. À commencer par la montée en puissance du Tsardom de Russie, du Royaume de Prusse et de la Suède. Mais également la poursuite de l’indépendance par les cosaques ukrainiens. Résultat : le territoire de l’Union et son importance politique sombrent progressivement. La multiplication des conflits entre nobles provoque un déséquilibre de l’ordre national, exacerbé par la vulnérabilité du pays.

Ces cent années de guerre portent gravement atteinte à la fortune du pays, et réduisent considérablement la population. Elle provoquent également une régression dans les domaines de la culture et de la science. Le Déluge Suédois, invasions suédoises dévastatrices de 1655 à 1660, de même que les politiques des pays voisins visant à utiliser les conflits internes pour maintenir le désordre intérieur, finissent par mettre en danger l’existence même de la Pologne.

Image tirée du film polonais “Potop” (“Plus fort que la tempête”), illustrant le Déluge Suédois. Source photo: Romuald Pieńkowski/ Fototeka Filmoteki Narodowej/www.fototeka.fn.org.pl

4. Réformes et Constitution de 1791

Le seul moyen pour l’état polonais de s’en sortir est de subir des réformes fondamentales. En 1764, Stanisław August Poniatowski est élu nouveau roi, avec le soutien important de Catherine la Grande, impératrice de Russie. Le nouveau monarque polonais est bien éduqué et conscient de la fragilité du pays. C’est pourquoi il passe des exigences de divers groupes de nobles polonais-lituaniens à celles de son allié dominant russe.

Ses politiques ont permis de nombreux progrès dans les domaines de l’économie, de la culture et des sciences. Cependant, en raison de la discorde qui règne parmi les magnâtes, il ne réussit pas à empêcher le Premier Partage de la Pologne. Les provinces périphériques du pays sont occupées par ses trois voisins : l’empire Russe, le royaume de Prusse et la monarchie autrichienne de Hasburg.

La toute dernière tentative de mise en place d’une réforme nécessaire au pays se solde par l’adoption de la Constitution du 3 mai 1791. La seconde de son genre dans l’Histoire ! Le but du document est de rétablir la relation entre le roi et les nobles, ainsi que de mettre un terme à l’anarchie causée par les ambitions des magnâtes… mais cela ne se passe pas réellement comme prévu. Catherine la Grande s’inquiète profondément de la direction que prennent les réformes. Avec le soutien de certains nobles polonais-lituaniens, elle empêche de force leur officialisation en envahissant le pays. Elle dirige ainsi le Second Partage de la Pologne.

En dernier recours, les rescapés partisans de la réforme se regroupent sous la direction d’un vétéran de la révolution américaine : Tadeusz Kościuszko. L’insurrection qu’ils décident alors de mener a beau être un acte de grande bravoure et de désespoir, elle était vouée dès le départ à l’échec. Les forces militaires nettement supérieures des puissances voisines suppriment brutalement le soulèvement et parviennent à diviser les restes du territoire polonais entre elles au cours du Troisième Partage de la Pologne. C’est ainsi qu’en 1795, la Pologne cesse d’exister.

Peinture de Jan Matejko intitulée “Rejtan“, ou “La Chute de la Pologne“, 1866. Source: CC BY-SA 3.0 / Wikimedia

5. La Pologne disparaît des cartes durant 123 ans

Chacun des envahisseurs met en place une politique de dénationalisation des citoyens polonais. Une grande partie de l’élite intellectuelle choisi l’exil politique, ou démissionne de toute activité politique publique. Toutefois, l’idée d’une Pologne indépendante subsiste toujours. Des unités polonaises se forment au cours des guerres Napoléoniennes (1803-1815), et des organisations polonaises clandestines initient deux soulèvements majeurs (qui sont tous deux un échec). Elles tentent de se joindre au Printemps des Peuples en 1848, mais là encore, c’est sans succès.

Après la répression impitoyable de la dernière grande insurrection, la Révolte de Janvier (1863-1864), les activistes politiques polonais retournent à un travail sur le terrain. Plutôt que d’essayer de regagner l’indépendance par la force, ils commencent à organiser des centres non-officiels d’éducation qui enseignent l’histoire et la langue polonaises (cette dernière étant interdite dans certains districts), encouragent attentivement la réforme sociale et continuent à plaider la « cause polonaise » dans les tribunaux des opposants aux envahisseurs de la Pologne.

Peinture de Artur Grottger intitulée “Bitwa” (“Bataille”), 1863. Tirée de sa série “Polonia”, elle représente l’échec de la Révolte de Janvier.  Source: CC BY-SA 3.0 / Wikimedia

6. La reconquête de l’indépendance : la Seconde République de Pologne

Le déclenchement de la Première Guerre Mondiale et les changements majeurs qui suivront dans la carte politique européenne représentent une opportunité que les activistes polonais attendent depuis longtemps. Environ deux millions de soldats polonais se battent au front durant la Première Guerre Mondiale, soutenant les armées de la Triple Entente. Dans le même temps, l’élite politique polonaise cherche à obtenir l’aval de l’alliance franco-russe-britannique pour l’indépendance de la Pologne. Grâce à ces efforts et aux nombreux événements favorables (à l’image des révolutions russes et allemandes), la Pologne retrouve son indépendance le 11 novembre 1918. Józef Piłsudski, notamment, sera un acteur important de cet évènement.

La période de l’entre-deux-guerres (1918-1939) est entièrement dédiée au rigoureux processus de reconstruction et de réunification du pays dévasté et terriblement divisé. Il est d’autant plus marqué par le chaos politique véhément, qui inclut l’assassinat du premier président et un coup d’état, ainsi qu’une agitation dans les frontières à l’est de la Pologne. Sur le plan culturel pourtant, le pays connaît un âge d’or. Pour le cinéma, la musique, et le théâtre polonais, l’entre-deux-guerres a été une période d’énergie, d’innovation et de charme immenses.

Józef Piłsudski, homme d’état polonais et leader de la Seconde République. Varsovie, 1918.  Photo: Piotr Mecik / Forum

7. La Seconde Guerre mondiale, l’histoire de la Pologne bouleversée

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne est très loin d’avoir les capacités pour affronter l’Allemagne nazie qui se prépare depuis des années. L’invasion par Hitler en septembre 1939, appuyée par l’armée de Staline venue de l’est, efface la Pologne de la carte en seulement 27 jours. Le gouvernement fuit vers la Grande-Bretagne, mais continue de travailler comme gouvernement-en-exil. Les armées et unités polonaises (dont la 303ème Escadrille de Chasse Polonaise) se battent toujours aux côtés des troupes des forces alliées occidentales, et contribuent considérablement à la victoire de la Bataille d’Angleterre (1940) ainsi qu’à la cryptanalyse d’Enigma. Enfin, les polonais organisent la plus grande armée clandestine dans l’histoire de l’Europe : la « Home Army », ou l’Armia Krajowa.

La Seconde Guerre mondiale dévaste la Pologne. Cinq millions d’habitants de la Pologne d’avant-guerre sont tués. Beaucoup de ces pertes s’expliquent par l’extermination délibérée des Juifs polonais durant l’Holocauste. Varsovie, capitale de la Seconde République, est pratiquement rasée.

Le célèbre ours-soldat Wojtek jouant avec ses frères d’armes, aux alentours de 1942. Photo: AA’s archive.

8. La République Populaire de Pologne

Bien que la Pologne soit du côté des vainqueurs à la fin de la guerre et qu’elle ait été rétablie en tant que pays, elle est toujours sous influence de l’Union Soviétique. Elle est forcée d’adopter le communisme comme système politique. De même qu’un gouvernement satellite dépendant fortement de ses commanditaires à Moscou.

En résultat des conférences de l’après-guerre, la Pologne perd la majorité de ses territoire du côté est. Mais l’acquisition de quelques régions industrielles de l’Allemagne d’avant-guerre dans l’ouest vient compenser cette perte. Le territoire se déplace donc littéralement de 100 à 150 kilomètres dans l’ouest. Ce dernier point entraîne la nécessité de reloger 2 millions de personnes.

La Pologne doit de nouveau se reconstruire. Mais, cette fois, sous l’autorité d’un régime communiste anti-démocratique dont le système économique est inefficace. La lourde isolation politique et culturelle du pays finit de rendre sa reconstruction bien plus lente que celles des pays d’Europe occidentale.

La constante stagnation économique, les pénuries dans les réserves de biens de première nécessité, le manque de liberté politique et de médias libres, de même que les fréquents abus de pouvoir des élites politiques, marquent la période communiste. S’y ajoutent une grande agitation sociale et des manifestations, toujours brutalement réprimées par les autorités.

Varsovie, décembre 1981. Premier jour de l’instauration de la Loi Martiale. Le cinéma Moskwa projette le film de Francis Ford Coppola “Apocalypse Now”. Photo: Chris Niedenthal, press material.

9. L’histoire des manifestations d’ouvriers en Pologne : Solidarność

Au début des années 80, la dégradation de l’économie et l’incapacité de la Pologne à payer ses dettes internationales forcent les leaders communistes à augmenter les prix à la consommation. Une vague de grèves s’élève dans les chantiers Lénine de Gdańsk, suivie de grèves professionnelles dans beaucoup d’autres usines et mines, et paralysent l’économie du pays. Ce sont les prémices de la dernière lutte entre le régime communiste et la société polonaise.

Solidarność (« Solidarité ») est un mouvement social. À son apogée, il a compté plus de 9 millions de membres (environ 25 % de la population polonaise). Il parvient à survivre à son démantèlement et à l’introduction de la Loi Martiale. Puis, à la persécution de ses leaders. Finalement, la vulnérabilité grandissante de l’Union Soviétique, le gendarme du côté communiste du Rideau de Fer, permet de nouvelles grèves dans la fin des années 80, et mène à la révolution pacifique qui libère la Pologne de la domination soviétique. Commencent alors les révolutions de 1989. Il s’agit une série d’événements historiques qui démantèle le bloc soviétique et met un terme à la Guerre Froide.

Gdańsk, 1988. Grève aux chantiers navals de Lénine. Photo: Chris Niedenthal

10. La Troisième République de Pologne, et l’histoire de la Pologne moderne

L’opposition démocratique qui prend le pouvoir durant ce retournement de situation décide de se référer à la tradition de la Seconde République polonaise. Elle renomme ainsi le pays « Troisième République de Pologne » . Immédiatement, la Pologne s’embarque sur le chemin des réformes de fond. Elle passe rapidement d’un système de parti unique à un pluralisme politique, d’une économie contrôlée par l’État à une économie de marché. Elle change également son orientation à l’international : elle ne fait plus partie du bloc soviétique et rejoint l’OTAN en 1999, puis l’Union Européenne en 2004.

Plus de vingt-cinq ans de paix et de développement soutenus ont permis à la Pologne de rattraper une grande partie du retard accumulé durant la période communiste. Le pays est largement reconnu comme modèle à suivre pour les pays qui ont connue une transformation politique suite aux révolutions de 1989. Il est à présent perçu comme une entité politique forte dans la région.

Tadeusz Mazowiecki, premier Premier Ministre de la Troisième République de Pologne, aux côtés du futur président Lech Wałęsa, 1989. Photo : Tomasz Wierzejski / AG

Nous espérons que ce bref épisode historique vous aura permis d’en apprendre plus sur l’histoire passionnante et mouvementée de la Pologne ! Alors, vous avez chronométré ?

Traduction libre de l’article paru sur Culture.pl

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